Entretiens réalisés avec M. Salgo Illassa, Valentin Lili, et Lacina
Milogo, techniciens supérieurs du Musée Provincial du Houet à Bobo Dioulasso- BURKINA FASO
Si le Musée National de
Ouagadougou impressionne par sa monumentalité, le Musée de Bobo Dioulasso, lui,
surprend par sa toute petite taille. Composé d’un unique bâtiment de plein pied, et
de deux salles d’exposition, il doit être l’un des musées les plus petit
d’Afrique, et c’est peut être pour cela que les guides touristiques ont
tendances à le dévaloriser. Pourtant, cet écrin miniature, contient des ½uvres contemporaines
qui rendent compte du travail des
artistes primés lors de la dernière Semaine Nationale de la Culture. Or, c’est
peut être le seul endroit de la ville, hormis le Centre Culturel Français, qui
donne à voir des ½uvres d’arts plastiques contemporaines. Et, derrière sa scénographie simple et
dépouillée qui lui donne le charme des petites chapelles de province française,
on sent que le musée est aujourd’hui en
danger. A l’image de ces lieux de rites sacrés qui s’effritent à mesure que
disparaissent les initiés, il semble que le Musée s’éteigne à force de ne
recevoir personne, et l’on a envie de crier à qui peut l’entendre de venir et
d’entrer dans ce lieu clôt de la culture qui raconte en si peu de mot l’âme
multiple de Bobo Dioulasso.
Un musée original aux ambitions contrariées
En effet, crée en 1984 sous la Révolution Sankariste, et
fonctionnel depuis 1990 le Musée a d’abord été crée afin de représenter les cultures des différentes communautés de la
région comme les Bobos, les Peulhs ou encore les Sénoufos. On construisit alors
dans la cour des reproductions d’habitats traditionnels de ces différentes ethnies,
et à l’intérieur des salles de réunions mises à disposition des différentes
communautés pour leur réunions et cérémonies. Ainsi, loin d’être seulement un
lieu d’archive ou d’expositions, le musée a d’abord été pensé comme un outil
culturel au service de la promotion des communautés de la région. Ainsi, dans
les années 1990, les différentes
communautés faisait bénéficier au Musée des subventions qu’elles recevaient
pour organiser leurs évènements pendant la Semaine Nationale de la Culture,
festival majeur de Bobo Dioulasso, et permettait ainsi au Musée de vivre et de
proposer des expositions diversifiées. Fort de ce succès, de nombreuses
communautés ont souhaité être représentées au sein du Musée mais le manque de
place et de moyens n’ont pas permis de faire les agrandissements nécessaires à
leur venue. Au contraire, les travaux de la route proche du Musée ont amputé l’espace
dédié à celui-ci et obligé les autorités à détruire la reproduction de
l’habitat sénoufo existant jusqu’alors. Peu à peu les différentes communautés ont
donc délaissé le Musée au profit de différentes associations dites de Parents à
Plaisanterie. Leur retrait a alors distendu le lien existant entre la Semaine
Nationale et le Musée, ce dernier n’étant plus le lieu propre aux manifestations
du festival. Par ailleurs, et afin d’attirer plus de personnes au Musée et d’en
faire à nouveau un lieu important pour les bobolais, les responsables ont
souhaité créer une mare aux silures en prolongeant le marigot (eaux stagnantes)
présent dans l’arrière cour. Malheureusement, le manque de moyens mis en ½uvre
pour ce faire, a entravé le cours des travaux, et aujourd’hui seuls quelques
silures sont présents dans ce qu’il reste d’eaux au musée. Or, il faut savoir
que ces poissons-chats présents dans le
Houet (fleuve qui traverse la ville) sont sacrés, et que les habitants font
régulièrement des v½ux sur leur passage. Leur présence aurait pu donner au
Musée une notoriété incontestable auprès des touristes et surtout des bobolais.
Ainsi, à l’heure actuelle la
situation du Musée est particulièrement difficile. Détaché de ce qui en faisait
son essence et son fonctionnement, il a désormais du mal à trouver sa place
auprès des bobolais qui le désertent et ont même du mal lorsqu’ils s’y rendent
à accepter de payer le prix de la visite pourtant à 100 FCFA pour les
nationaux. Même les touristes, mal renseignés par certains membres de la
population ne veulent plus payer leur entrée de 500 FCFA accusant les responsables
du site de corruption alors même que l’entrée a toujours été payante dans la
mesure où les recettes de la billetterie, ainsi que la location de deux
chambres situées dans l’enceinte du Musée et louées pour 3500 FCFA la nuit (moitié
moins que la plupart des auberges de la ville) sont aujourd’hui les principales
sources du financement propre du Musée.
De plus, devenu musée communal en 2008, le Musée de Bobo Dioulasso ne dépend
plus aujourd’hui du Ministère de la Culture mais de la Mairie de la Ville qui
ignore encore quels fonds allouer à son fonctionnement. La décentralisation
envisagée de manière positive depuis Ouagadougou marque ici ses limites car les
transferts de compétences n’ont à ce jour toujours pas été suivis des
transferts de fonds, et la volonté affichées de faire des villes secondaires du
pays de véritables pôles de compétences culturelles, est aujourd’hui menacée
par l’appauvrissement des structures même de ces régions. La situation
financière est donc particulièrement difficile pour les responsables qui
doivent envisager le développement de leurs politiques muséales sans budget ni
même moyens préalables. A ce jour, le Musée ne dispose ni d’un véhicule, ni même d’une connexion
internet. L’action est donc réduite à la volonté des équipes, nouvellement
dirigée par Mme Sita Kam personnalité issue du monde de la communication.
Ainsi, par la force des choses les responsables du Musée axent prioritairement
leur action sur le public afin de faire prendre conscience aux burkinabés,
artistes et visiteurs de l’importance du Musée et de son utilité potentielle
pour l’ensemble de la population.
Faire évoluer les mentalités
Pour eux, en effet, il faut
d’abord faire avec les moyens du bord et tenter de ramener les bobolais vers le
Musée. Pour ce faire, ils utilisent le réseau personnel de la directrice pour
bénéficier de spots publicitaires à moindre coût sur les radios locales.
Cependant, si la communication est nécessaire, elle est insuffisante, car elle
est toujours un appel à « aller
vers », et exige de chacun qu’il franchisse lui-même la porte du Musée.
Or, nombreux sont ceux qui ne connaissent ou ne reconnaissent pas l’intérêt du
Musée et plus majoritairement de la culture. Même les enseignants de la ville
refusent de faire venir leurs élèves au Musée car ils envisagent cette visite
comme étant hors programme, et pensent qu’elle leur fera seulement perdre leur
temps. C’est pourquoi, les responsables du Musée, se battent aujourd’hui pour
développer des activités extra muros, afin d’aller eux-mêmes vers leurs publics
potentiels. Cependant, s’ils envisagent des expositions itinérantes et
persistent à essayer de s’adresser prioritairement aux scolaires, ils ne font
pas partie du dispositif des mallettes pédagogiques dans lequel s’inscrit le
Musée National de Ouagadougou, et dont ils ignoraient même l’existence.
Entravés dans leur volonté par le manque de moyens, de visibilité et de
cohésion nationale, ils se tournent aujourd’hui vers des collaborations locales
et internationales et travaillent en
étroite collaboration avec le Centre Culturel Français de la ville, le Musée de
la Musique et la ville françaises de
Chalons en Champagne (jumelée à Bobo Dioulasso). Cependant, il est clair que
l’échelon national est aujourd’hui un maillon manquant dans le développement de
la culture du pays, et tous s’accordent sur le fait que le Ministère de la
Culture devrait être plus présent. A défaut, ils savent que les solutions et le
combat ne pourront venir que des artistes eux-mêmes qui doivent apprendre à se
fédérer pour exiger que leurs travaux soient présentés dans de bonnes
conditions. Aujourd’hui, ciment de cette exigence, le Musée se propose d’être
un lieu de rencontres pour les artistes de la ville, et ses responsables sont
prêts à mettre leurs connaissances pratiques au service d’une union artistique.
Ainsi, promoteur de la culture
contemporaine de Bobo Dioulasso, le Musée Provincial de Bobo Dioulasso n’est
pas ou plus le reflet d’une culture institutionnelle pensée depuis les hautes
sphères étatiques. Au contraire , détaché d’une politique culturelle globale, le Musée s’affirme hors de ses propres
cadres, en tissant des liens étroits avec sa base : les artistes. Le
chemin est encore long mais notre séjour sur place nous permet de penser que
tous sont en train de le construire.
Fodé et Zoé